L’équipement d’un pilote de T6 en Algérie - 1959
Les premiers accrochages qui marquent le début de la guerre
d’Algérie ont lieu le 1er novembre 1954 lors de ce qu’on appelle « la
Toussaint rouge », et ce quelques mois seulement après les accords de
Genève mettant un terme au conflit indochinois. Les premières troupes
engagées sont des soldats professionnels ayant fait leurs armes en Indochine,
mais rapidement le contingent est mobilisé. L’armée de l’air n’échappe pas à cet
enlisement. Les missions de reconnaissance et de transport du début se
transforment en missions d’appui. Pour répondre à ce changement de rôle, l’armée
de l’air crée en 1956 des Escadrilles d’Aviation Légères d’Appuis
(E.A.L.A.) dont le panel des missions antiguérilla va de la reconnaissance armée
à l’attaque au sol en passant par la RAV (reconnaissance à vue).
Rapidement, l’armée de l’air aligne une vingtaine de ses escadrilles qui pour la
plupart emploient un avion d’origine américaine dont la conception remonte aux
années 30 : Le North American T-6G Texan. Cet avion, à l’origine
destiné à entraîner les futurs pilotes de chasse, est largement rééquipé pour
faire face aux missions d’appui-feu qu’il va devoir remplir dans les Djebels. Il
est entre autre affublé de plaques de blindage au niveau du cockpit et du
moteur, de mitrailleuses jumelées en nacelle, de rampes de lancement pour
roquettes, d’un collimateur, d’une radio et d’un avertisseur de décrochage. La
contrepartie de ces aménagements est une augmentation du poids et donc une
complexité accrue du pilotage dans certaines manœuvres de combat (ressources,
vol basse altitude, etc.). Les équipages du T6 doivent alors mettre en œuvre
toute leur science du pilotage pour tirer le meilleur de la machine et lui
permettre d’acquérir ses lettres de noblesse.
Dans cet
article, nous allons nous intéresser à la composante humaine du T6, autrement
dit le pilote et plus particulièrement à sa tenue de vol. Le conflit Algérien
s’étalant sur plusieurs années il est évident que les équipements ont évolués
tout au long du conflit. Nous nous limiterons alors à la description d’une
configuration précise, celle qu’arborait un lieutenant* de l’EALA 19/72 sur un
cliché daté de 1959.
I- LE
CASQUE
Le casque, qui a pu être
photographié directement auprès du pilote, présente quelques originalités.
En effet, il est une association de composants provenant de différents modèles
de casques que l’on trouvait à cette époque. Il n’est certes pas représentatif
d’un modèle en particulier, mais illustre parfaitement les aménagements peu
orthodoxes que l’on pouvait rencontrer et qui résultaient soit d’un manque
de pièces ou d’un excédant de stock pour d’autres.
1- la coque
La
coque est celle d’un casque Gueneau type 31, modèle de casque homologué
le 20 juin 1955.
Ce modèle de coque est réalisé en tissu de verre imprégné de
résine synthétique. On distingue à l’extérieur six trous d’aération ainsi que
trois passants à lunette en cuir rivetés à la coque. Les bords du casque sont
recouverts d’un bourrelet de cuir rembourré de mousse. Il est cousu sur la face
extérieure et collé à l’intérieur. Pour ce qui est de l’aménagement intérieur,
le casque est entièrement tapissé d’un isolant recouvert de cuir et maintenu
entre autre par les œillets d’aération. La coiffe intérieure, réalisée en tissu,
est munie à son sommet de six pates reliées par un lacet qui combinées à une
sangle postcrânienne réglable par une boucle située à l’extérieure permets
d’ajuster le casque à la tête du pilote.
2- le
serre-tête
Le serre-tête est celui d’un ensemble de
tête Gueneau type 30, modèle de casque homologué le 20 octobre 1953.
Le serre-tête supporte l’appareillage acoustique et permet l’accrochage éventuel d’un masque inhalateur.
Le corps du serre-tête est réalisé en tissu kaki. Un soufflet à
lacet court sur tout le sommet afin d’ajuster le bonnet à la tête du pilote. Sur
des versions précédentes, le soufflet n’était présent qu’à l’arrière.
De
chaque côté, des portes écouteurs en cuir se refermant par boutons pressions
accueillent les écouteurs (souvent, une garniture - en carton pour les premières
versions, puis en caoutchouc - assure le maintient des pastilles au niveau des
oreilles du pilote). Les supports, réalisés dans le même cuir, courent jusqu’à
l’avant du serre-tête et se terminent par trois pressions mâles pouvant servir à
agrafer un masque à oxygène. Du côté droit, une languette en cuir munie d’une
boucle métallique permet l’accrochage d’une jugulaire en tissu.
A l’intérieur, des oreillettes en peaux de chamois améliorent le confort et permettent d’atténuer les bruits extérieurs.
mise en parrallèle du casque du
lieutenant et d’un type 30 à petit soufflet et à acoustique habituellement
observée
3-l’acoustique
- acoustique
entrant
Le serre-tête Gueneau type 30 (mais
aussi le type 31) est destiné à recevoir une acoustique
Socapex-Ponsot SP1 spécialement conçue pour les casques de vol rigides.
Mais dans le cas présent, l’acoustique est celle d’un casque à arceaux
EF-11-A ayant les mêmes spécificités techniques (impédance, bande
passante, etc.) mais présentant quelques différences au niveau du câblage (ce
montage est d’origine, le pilote l’a perçu ainsi). L’ensemble électromagnétique
du casque étudié est composé de 2 pastilles d’écouteurs EC-2-A
(SP1), d’un cordon KD- 537-A extra-souple (SP422) à 4
conducteurs dont 2 blindés enveloppés d’une gaine coton imprégné, d’une fiche
femelle 2 broches et masse JK-3-A (SP-120), d’une fiche mâle 4
contacts FJ-3A et d’une pince d’accrochage (SP-150) réglable
sur le cordon. Le raccordement à la radio de bord se faisant par la fiche
« Jack » FJ-3A.
- acoustique
Sortant
Pour pouvoir communiquer à la fois avec son
observateur, par la liaison téléphonique de bord (interphone) et avec les
troupes au sol ou les autres appareils en vol via la l’émetteur
radiotéléphonique SCR-300, le pilote de T6 est équipé d’un laryngophone
LY 1 A (type L-1001) construit par la société
T.E.A.M. . L’avantage du laryngophone par rapport à un microphone
classique, est qu’il est quasiment insensible aux bruits extérieurs, ce qui est
bien pratique sur un avion à pistons comme le T-6, surtout quand la chaleur
étouffante du désert algérien oblige les pilotes à voler verrière ouverte. Cette
caractéristique découle du fait que le laryngophone, une fois bien positionné
sur sa gorge du pilote, est actionné directement par les vibrations des cordes
vocales, et non pas par des mouvements d’air comme c’est le cas avec un
microphone traditionnel. Il est basé sur le principe des appareils
électromagnétiques. Il est constitué de deux pastilles montées en série et
enrobées dans une monture en chlorure de polyvinyle moulé. Le laryngophone est
maintenu en place par un collier ajustable et élastique, se fixant à l’aide d’un
crochet. Le raccordement à l’installation de bord se fait via une fiche
SOPOS SP-119 se situant au bout d’un cordon souple de 30 cm moulé en en
chlorure de polyvinyle et qui vient se brancher à la prise JK-3-A
(SP-120) du serre-tête.
II- LA COMBINAISON
La combinaison que porte le Lieutenant est la salopette réglementaire en dotation dans les différentes forces aériennes françaises (ALAT, Aéronautique navale et Armée de l’Air). Elle est confectionnée en coton et est de couleur kaki, du moins dans l’armée de l’air et celle de terre, car les combinaisons du personnel naviguant de la marine sont de couleur beige, mais néanmoins de même coupe (surement un héritage des précédentes tenues tel que la combinaison USN M668 et la copie française « Type aéro-navale 52 »)**.
Elle existe en différentes tailles et plusieurs fabricants (L. CASSI, WAREIN, etc.) ont possédés la licence pour la produire tout au long de sa carrière opérationnelle. Il est à noter que cette combinaison restera en servie plus de 30 ans, et ce malgré l’absence de coupe étudiée qui lui value le sobriquet de « sac à patates ».
Pour enfiler la combinaison, le pilote peux ouvrir sur le devant une fermeture éclair qui court du col à l’entre-jambe ainsi que le bas de jambes qui sont eux aussi munis sur l’extérieur d’une fermeture éclaire ouvrant sur un volet.
Le col est équipé d’une patte qui se rabat sur la gorge et
s’attache par un bouton classique.
Un lacet situé à l’intérieur de la
combinaison, au niveau de la taille, permet de cintrer la combinaison.
Le
réglage des poignets se fait par un volet se pressionnant suivant deux
positions. En effet, le bas des manches est pourvu d’une pression femelle et de
deux mâles permettant à celui qui porte la combinaison de l’ajuster suivant 3
positions (ouvert, ample, serré).
En ce qui concerne les rangements, la combinaison est munie de plusieurs poches : deux sur la poitrine et fermée chacune par une glissière zip verticale, deux poches situées sur l’intérieure des tibias et dont les ouvertures en biais sont elles-aussi fermées par zip, et enfin une poche porte stylo est située sur le haut du bras gauche. On pourrait ajouter à la liste des poches, celles situées de chaque côté, au niveau des hanches, mais ce sont en fait que de simples ouvertures recouvertes chacune d’un rabat se fermant par boutons pressions et permettant au pilote d’accéder aux poches des vêtements porté en dessous.
A ce sujet, il n’y avait pas vraiment de règle en termes de
sous-vêtements, chacun choisissait le vêtement qu’il voulait sous la combinaison
en fonction de ses préférences mais aussi de la saison.
Ainsi, notre
lieutenant portait en hiver des sous-vêtements militaires (caleçon long et
tricot à manches longues blanc crème). Il pouvait lui arriver de garder son
pantalon de battle-dress*** en cas de décollage sur alerte mais jamais
le blouson, à cause des épaulettes qui ne facilitaient pas l’enfilage de la
combinaison.
Quand il faisait chaud, le pilote portait simplement un
pyjama en coton sous la combinaison. Cela évitait le contact un peu rêche de la
combinaison sur la peau. Pour l’anecdote, il arrivait que les frêles pilotes ne
portent aucuns sous-vêtements intimes, car lors des missions de plusieurs
heures**** et à cause du manque de confort de l’assise du parachute-siège, les
éventuels élastiques pouvaient meurtrirent la peau de l’arrière train.
III- LE
PARACHUTE
Collection Crouzel / Editions ATLAS /
Editions ATLAS
Le T6 nécessite l’emploi d’un parachute dit
« siège » car le pilote est assis sur le conteneur à voilure,
ce qui n’était pas de tout confort lors des longs vols. Le parachute siège porte
la dénomination « parachute siège de secours 330 » et
est fabriqué par trois sociétés française : Aérazur,
EFA et Aviorex.
L’ensemble se compose d’un harnais en nylon se fermant par trois boucles : une de poitrine et deux de hanches (il existe deux modèles de mousquetons, le premier classique cf. extrait de la notice et le deuxième modèle, visible sur les photos en situation, est dit “basculant” du fait de la présence d’un système de dégrafage rapide des mousquetons EFA type 21 ) et d’un sac siège contenant la voile. Le déclenchement du parachute se fait manuellement par l’intermédiaire d’une commande à main simple composée :
- d’une poignée nickelée brillant en acier étiré, coudé et soudé munie d’une entretoise de tube de cuivre soudée en son centre et dont la partie préhensible est recouverte d’une garniture de caoutchouc moulé de couleur rouge, ou de cuir cousu.
- d’un câble en acier inoxydable portant à une extrémité deux broches de verrouillage serties, l’autre extrèmité traverse le tube central de la poigné et un embout serti réalise l’arrêt dans la poignée.
- d’une gaîne formée d’un élément fexible et extensible en acier inoxydable ayant chaque extrémité un embout emboîté et soudé, dont les gorges extérieures permettent l’immobilisation par couture, d’une part, sur la patte gauche du sac siège et d’autre part, sur la patte de poitrine gauche du harnais.
Lorsque l’utilisateur actionne la commande d’ouverture glissée dans une pochette cousue sur la patte gauche du harnais en U à hauteur des sangles de poitrine, le câble tiré par la poignée dégage les broches des cônes. Sous l’action des élastiques de rappel, les pattes échappent aux cônes et le sac s’ouvre permettant l’éjection de l’extracteur, qui sort la voilure.
Pour rendre le parachute plus confortable, le harnais est équipé
d’un panneau de caoutchouc mousse capitonné au niveau du dos, et sur
le dessus du sac à voilure, un coussin vient se pressionner.
IV- LES
CHAUSSURES
A cette période, plusieurs
chaussants étaient en dotations au sein des unités déployées en Algérie. Il y
avait entre-autres les mocassins semi-montants dit « évasion », les
bottes fourrées pour les temps froids et comme sur la photo, des pataugas en
tissu et semelle en caoutchouc.
V- LE GILET
PARE-ECLATS
Le pilote porte dessus sa
tenue (parachute compris), un gilet « pare-éclats » censé le protéger
des tirs ennemis. Le gilet est composé de trois pièces : un dos, une face
côté droit et une face côté gauche. Elles se fixent sur les épaules et les flans
grâce à des goupilles et se referme sur le devant via deux fermetures éclair
ainsi qu’une cordelette. Sur chaque pan, des pochettes contiennent de plaques
métalliques de blindage rendant le gilet très inconfortable comme l’a écrit
Pierre Clostermann dans son livre Appui-Feu sur L’Oued Hallaïl
« Les gilets métalliques pare-balles de l’Armée de l’Air étaient d’ailleurs
des monstruosités provenant des surplus américains, épuisants à porter, tout
juste bons à s’asseoir dessus ».
VI- LES ACCESSOIRES
1- le
« roule-notes »
Le pilote porte sur sa cuisse
droite un roule-notes AICA type 10 sur lequel il a inscrit les
informations nécessaires à sa mission et lui permettra aussi de noter ses
observations lors du déroulement de celle-ci.
Le roule-notes et composé d’un
boitier en aluminium équipé de deux cylindres sur lesquels est enroulée une
feuille de papier. En faisant pivoter les cylindres, le pilote peut faire
défiler la feuille et les informations notées dessus.
Le boitier est maintenu
à la cuisse par un élastique et un dos préformé.
Enfin, le roule-notes est
équipé d’un porte mine noir type Edacoto relié par une chainette et se
logeant dans un orifice sur le côté.
2-la trousse de premier secours
Dans la
poche de mollet gauche, le pilote emporte une trousse de premier secours.
Celle-ci est composée d’accessoires qui lui permettront de se soigner
sommairement en cas de crash et en attendant l’arrivée des renforts.
3-
l’armement
- le
holster
Le pilote porte sous son aisselle gauche, un holster
en cuir fauve destiné à recevoir son pistolet automatique. Le holster est équipé
d’un porte chargeur.
Collection Richaud / Frenchwings
- l’arme de
poing
L’arme de poing réglementaire à cette
époque (et qui le restera jusqu’en dans les années90) est le pistolet
automatique de 9mm modèle 1950. Vu la date du cliché, il est certain que le
PA du lieutenant porte la désignation de MAC 50 car jusqu’en 1963, c’est la
Manufacture d’Armes de Châtellerault (MAC) qui produira toutes les armes de
poing de ce type (221 900 exemplaires). Ensuite c’est la Manufacture
d’Armes de Saint-Étienne qui reprendra la fabrication, donnant alors la
désignation MAS 50 au pistolet et produira 120 000 pièces jusqu’en
1978.
Le PA 50 est fabriqué en acier usiné et possède un chargeur en
tôle d’acier soudée contenant 9 cartouches calibre 9×19mm dites “9 Parabellum”.
Cette arme était appréciée pour sa robustesse, sa bonne prise en main, son
fonctionnement sûr et sa bonne finition.
copyright armesfrancaises.free.fr
- le pistolet
mitrailleur
Pour sa défense en cas d’atterrissage forcé et en
plus de son arme de poing, le lieutenant emporte dans le coffre de l’avion un
pistolet mitrailleur de 9mm modèle 1949 construit par la Manufacture d’Armes de
Tulle portant la désignation MAT 49. Ce pistolet mitrailleur est fabriqué en
tôle emboutie et soudée et possède un chargeur droit de 32 cartouches. L’arme
est repliable pour en faciliter le transport.
copyright armesfrancaises.free.fr
Informations et photos issues du site “armesfrancaises”
* Le pilote en question a souhaité rester anonyme, mais il a
grandement participé à la rédaction de cet article.
** cf. l’article de
Franck Bellucci sur le personnel naviguant de l’aéro-navale en Indochine parût
dans le magazine Armes Militaria n°270 de janvier 2008.
*** Uniforme de
service en tissu bleu composé d’un pantalon et d’un blazer rappelant l’uniforme
des pilotes de chasse de la RAF lors de la seconde guerre mondiale d’où le
surnom hérité de battle-dress.
**** Le Texan avait une autonomie de 5
heures.